Apportons du secours ceux qui dorment la belle toile

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Apportons du secours à ceux qui dorment à la belle étoile

(12 février 2010)

Figure 1: Paul Gustave Magloire

Hier soir, il a plu sur Port-au-Prince.

C'est le cas de dire qu'un malheur ne vient jamais seul. Car, des suites du tremblement de terre qui a secoué le pays le 12 janvier dernier, plus d'un million de nos frères et sÅ"urs dorment à la belle étoile, parmi eux enfants, bébés, femmes enceintes et vieillards, blessés, et amputés par milliers, et des milliers d'autres personnes qui étaient déjà à mobilité réduite, ou qui ont été estropiées lors du séisme, en perdant soit un bras, soit une jambe, ou qui encore ont tous les membres de leur corps totalement fracturés. Ils sont aujourd'hui parmi les sans-abri qu'on retrouve sous des toits de fortune dans la capitale et ses banlieues, et à Gréssier, à Léogane, à Grand-Goâve, à Petit-Goâve, à Jacmel, recevant très peu de soutien.

Si la pluie qui est tombée avec force le soir du 10 février est annonciatrice de l'arrivée prématurée de la saison pluvieuse, il faudrait craindre que des milliers de personnes, parmi ces sans-abri, soient durement frappées par des maladies opportunistes comme la dysenterie, les infections de la peau et surtout qu'on pourrait voir apparaître une épidémie de malaria et de pneumonie à grande échelle.

Ce sera, alors, la cause d'une autre grande vague de victimes, en plus, de celles qu'on n'avait pas pu sauver la dernière fois.

Ainsi, nous voulons insister encore une fois sur l'urgence de déplacer cette population vers des endroits où elle puisse trouver des abris adéquats et des soins, précisément vers les villes de province et ainsi commencer une décentralisation systématique du pays.

Certes, il s'agira de déplacer plusieurs centaines de milliers de personnes.

Voici les différentes dispositions qu'on pourrait adopter, en ce sens, en suivant un calendrier d'exécution rapide.

1- Il faut mettre rapidement en action un Comité de Coordination Nationale formé des Ministres de l'Intérieur, de la Santé Publique, de la Justice, des Travaux Publics, de l'Environnement, assistés du Secrétaire d'Etat à la Sécurité Publique.

Ce comité aurait le mandat spécifique de prendre toutes les dispositions nécessaires pour le transfert des sans-abri des zones sinistrées vers d'autres régions qui ne sont pas affectées.

Le Comité de Coordination demandera à toutes les instances suivantes de se faire représenter, au plus haut niveau, afin de participer aux décisions du comité.

Il s'agira des ambassades des principaux pays engagés sur le terrain, de la Croix Rouge Haïtienne, des différentes chambres d'affaires du pays, des organismes des Nations Unies et de l'OEA.

Les décisions adoptées par le Comité de Coordination Nationale affectant les provinces seront mises en application par les délégués départementaux assistés chacun par un comité formé des maires des municipalités concernées dans leur juridiction spécifique.

On peut mettre le Comité de Coordination effectivement sur pied, en moins de 72 heures.

2- Il faudrait créer aussi une cellule d'information centrale dont le rôle principal serait de divulguer les différentes dispositions qui seront adoptées. Le gouvernement réquisitionnera 90 minutes de temps d'antenne de tous les medias du pays. Les medias seront alignés en réseau, trois fois par jour, pour une période de 30 minutes afin de divulguer les informations émanant de la cellule d'information.

3- Le Comité doit réquisitionner dans les 10 départements géographiques du pays, dans toutes les villes qui ne sont pas affectées directement par le séisme, tous les bâtiments qui ne sont pas occupés par des activités essentielles, (telles que activités de santé, de sécurité et de fonction publique), inventorier leur capacité et les mettre à la disposition du Comité de Coordination.

Car, c'est une urgence nationale qui exige une mobilisation générale et des sacrifices de nous tous.

4- Parallèlement, le Comité devra commencer à classifier les sans-abri en faisant un triage par famille, état de santé, classe d'âge, le point d'origine et le point de destination.

(Nos techniciens en statistique et en informatique peuvent proposer rapidement des fiches de classification).

Les points de destination seront séparés par la couleur et le numéro des cartes qui seront remis à chaque personne ou au tuteur de chaque personne qui doit se déplacer.

5- Les bâtiments qui sont réquisitionnés dans les villes ciblées pour le déplacement, seront classifiés pour recevoir les différents services qui seront alloués aux déplacés dans les villes d'accueil.

La priorité sera de trouver des bâtiments capables de loger les gens de façon décente et pouvant servir de cafeterias et de magasins généraux à prix réduits, d'écoles et de centres de loisir.

Les centres de soins de santé, de même que les fonctions publiques de la ville, telles que police et voirie, devront être renforcés. Les personnes sans abris de la capitale seront déplacées, selon les capacités des villes d'accueil.

Mais, les sans-abri des villes comme Gréssier, Léogane, Grand-Goâve, Petit-Goâve et Jacmel seront relogés dans des aménagements à proximité des villes où ils résident.

Le Comité de Coordination devra choisir des points de chute pour l'aide fournie par les donateurs internationaux, afin de s'assurer que l'aide atteigne les gens déplacés de façon régulière et en quantité suffisante.

6- Au cas où il n'y aurait pas suffisamment de bâtiments pour le logement des nouveaux venus, le maire d'une ville d'accueil pourra louer des chambres de familles ou de particuliers dont les maisons ont de l'espace pour abriter des personnes supplémentaires.

Dans certains cas, pour suppléer le manque de bâtiments, la municipalité devra offrir un terrain approprié qui sera aménagé avec des roulottes qui serviront à loger les services offerts aux nouveaux arrivés et aux résidents de la ville également, pour faciliter l'intégration des nouveaux arrivés dans la communauté d'accueil.

7- A l'arrivée des nouveaux venus à leur lieu de destination, ils devront s'inscrire au bureau du comité d'accueil de la ville, mis sur pied par le maire, le représentant du délégué et un représentant des nouveaux venus.

Chacun d'eux recevra un kit de logement temporaire préparé par les services de la Croix Rouge Haïtienne et une nouvelle identification reflétant le point de départ et le point d'arrivée. Chacun recevra aussi les informations devant leur permettre de recevoir une assistance capable de leur rendre la vie plus facile dans les premiers moments et de leur donner, aussi, un minimum de confort et de dignité.

8- La semaine après leur arrivée dans leur ville d'accueil, chaque personne ou son représentant, aura à participer à une séance d'orientation où elle sera invitée à rester définitivement dans la communauté d'accueil ou à se préparer à retourner à son point d'origine, sitôt que les conditions seront favorables.

9- Les personnes qui se décident à rester définitivement seront entrainées pour trouver un travail ou à ouvrir une entreprise dans sa nouvelle ville de résidence.

Et celles qui préfèrent retourner à leur point de départ seront orientées vers une occupation temporaire selon leur prédisposition et leur aptitude.

Cette opération clôturera la phase des secours d'urgence.

Dans une estimation préliminaire, l'opération de déplacement des sans abri, pour 500,000 personnes, devrait durer 6 mois au maximum et le coût pourrait se situer aux environs de US$30 millions, soit un montant moyen de US$60 par personne.

Ce montant inclut un support sur trois mois aux déplacés. C'est l'équivalent de la moitié du coût de US$60 millions des 200,000 tentes dont parle le gouvernement, soit US$300 en moyenne par tente, sans compter le coût des problèmes qui viendront avec l'établissement de ces camps de refugiés.

Dans notre proposition, une grande partie des coûts sera locale, car nous ferons appel aux ressources locales.

Les associations syndicales et de jeunes sont déjà prêtes à s'engager dans ce projet.

Les $3 millions en moyenne par département, représentera une infusion financière qui servira à relancer l'économie dans les villes de province.

Durant les 6 mois de cette opération de déplacement, les efforts pour réhabiliter Port-au-Prince, Gréssier, Léogane, Grand-Goâve et Petit-Goâve et Jacmel, pourrons aussi continuer.

De même, il faudrait utiliser cette période pour planifier la construction de 3 capitales régionales, une dans le Grand-Nord, une autre dans le Grand-Centre, et la troisième dans le Grand-Sud pour offrir un autre choix aux déplacés qui ne souhaitent pas revenir dans l'encombrement de Port-au-Prince.

Nous souhaitons que ces mesures puissent être adoptées le plus vite que possible.

Le chef de l'Etat, Monsieur René Préval, a parlé pour sa part, de conserver les sans-abri près du lieu de leur résidence initiale, car les mesures décentralisées le répugnent.

Il pense que le gouvernement devrait plutôt faire l'acquisition de 200,000 tentes et créer des camps de tentes.

Mais, il y aurait trop de problèmes avec cette solution pour les mentionner dans ce profil succinct.

Car, si nous poursuivons la voie de M. Préval, le pays va devenir, bientôt, un vaste camp de refugiés.

D'ailleurs, nous pouvons dire que le gouvernement que dirige Monsieur Préval n'a pas pu, jusqu'à présent, démontrer qu'il pouvait offrir même un minimum de maintien sanitaire dans les camps spontanés qui se sont érigés sur les places publiques de Port-au-Prince et de ses banlieues.

Ensuite, des rapports disent que le stock de 200,000 tentes dont parle M. Préval est introuvable sur le marché actuellement.

Ensuite, notre cher Président n'a pas l'argent pour payer ces tentes.

Il a fait une demande de $300 millions d'aide lors de sa dernière visite en Amérique Latine.

Mais, nous savons qu'il n'aura aucune réponse définitive que jusqu'à une rencontre qui sera tenue en République Dominicaine, pour le mois d'avril.

Nous avons l'habitude de ces dates.

Plusieurs hommes de sciences sont d'accord, sans pouvoir prévoir précisément le jour, que Port-au-Prince pourrait être frappée encore bientôt d'un autre séisme qui pourrait être d'un niveau plus élevé que celui du 12 janvier.

Nous savons qu'un malheur ne vient jamais seul. Mais, nous devons nous préparer à éviter le pire à nos compatriotes.

Alors dans ce cas, il s'agit bien d'avoir des autorités responsables à être en charge du pays, afin de prendre les mesures appropriées. Nous devons le faire avant qu'il soit trop tard.

11 Février 2010

PAUL GUSTAVE MAGLOIRE

Ancien Ministre de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales d'Haïti

Paul G. Magloire, March 18 2010, 2:29 PM

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