HAITI: Pétion et L'affaire Célimène Dessaline

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Nos Vieux Démons Et Querelles: L'affaire Célimène Dessaline: L'opinion publique Haïtienne a toujours manifesté son intérêt pour l'affaire Célimène, la triste histoire des amours malheureuses de la belle princesse impériale et du jeune capitaine Chancy.

La violence des passions qui entourent ce drame sanglant, la jeunesse des protagonistes, la mystérieuse atmosphère de complot sur fond de barrières sociales et de préjugés de couleur qu'il évoque, tout contribue à donner à cette idylle tragique un relief et une importance que cultiveront beaucoup de politiciens opportunistes qui l'exploitent encore pour mieux réveiller nos vieux démons et nos éternelles querelles nationales.

Contrairement à ce que on a souvent répété, l'empereur ne cherchait pas à unir absolument sa fille Célimène à un Mulâtre pour donner au peuple une belle image de la nouvelle union sacrée. Dessalines, en proposant la main de sa fille Célimène au général Pétion, posait d'abord et avant tout un geste politique crucial dont dépendait la survie même de son régime.

Il s'agissait pour lui de se concilier le parti rigaudin qu'il venait d'humilier grossièrement après son orageuse visite d'inspection dans le Sud. Dessalines se sentait proprement aux abois, menacé dans sa vie même, quand il proposa à Pétion d'épouser sa fille.

Il voulait surtout s'assurer que le général, fermement introduit dans son camp, lui resterait fidèle jusqu'au bout.
Il parait assez évident que cette proposition de mariage était un acte politique longuement mûri par l'empereur quand on pense qu'il voulait par la même occasion designer Pétion comme l'héritier du trône, écarter le puissant général Christophe du pouvoir et se réconcilier avec toute la classe des Mulâtres qu'il venait d'outrager ignominieusement.

Habité par le sentiment prémonitoire, assez justifié d'ailleurs, que la révolte grondait dans le Sud, Dessalines voulait temporiser et jouer de finesse.

Pendant que son père échafaudait des plans politiques, la jolie Célimène se consumait de tendresse et d'affection pour un jeune et bel officier mulâtre de 23 ans, un neveu de Toussaint Louverture le capitaine Chancy.

(Toussaint avait 7 ou 8 enfant avec une mulâtresse).

Alors que Dessalines songeait qu'Alexandre Pétion eut été fort bien apparié en épousant une de ses filles, celui-ci s'était déjà profondément engoué de sa nouvelle maîtresse, la belle Joute Lachennais, qui deviendra d'ailleurs la dernière compagne de sa vie. Madiou nous dit que dès 1802, la princesse Célimène ne cachait pas son intérêt pour le beau et délicat Chancy qu'elle appelait son fiancé.

Toujours selon Madiou, Dessalines se montrait plutôt flatté à l'époque des attentions que le neveu du gouverneur Louverture portait à sa fille, mais une fois devenu empereur, il s'opposa formellement à ce projet d'union en déclarent que jamais son sang ne se mêlerait avec celui de Toussaint Louverture.

Aide de camp du général de division Alexandre Pétion, le capitaine Chancy se proposera toutes les fois que son chef avait des dépêches à expédier à la capitale impériale.

Au moyen de cet habile subterfuge, le capitaine Chancy et la princesse Célimène avaient secrètement pu reprendre leur liaison amoureuse.

Quand les rumeurs de la grossesse de Célimène, qui n'avait pu résister au péché- contre l'honneur, parvinrent à son père, ce dernier voyait s'écrouler avec désespoir toutes ses combinaisons politiques.

Malgré l'avis des rares intimes que l'empereur admettait dans sa familiarité et qui voulurent le raisonner, Dessalines, en père outragée, refusait obstinément d'accepter pour gendre cet effronté de neveu de Toussaint Louverture qui venait de salir la réputation de sa fille, la sienne propre et celle de toute la famille impériale.

Madiou nous apprendra ainsi que l'empereur, furieux, formait mille projets de vengeance contre sa propre fille qu'il voulait tuer et contre son amant, le capitaine Chancy, qu'il entendait supplicier personnellement dans sa capitale.

Finalement, Dessalines dépêcha à Port-au-Prince les officiers Daran et Prophète à la tête d'une compagnie de dragons avec l'ordre de lui ramener Chancy.

Selon Madiou, le commandant de l'arrondissement de Port-au-Prince, Germain Frère, convoqua le capitaine Chancy pour lui apprendre qu'il serait bientôt conduit à Marchand, mais qu'en attendant il serait mis aux arrêts. En apprenant la nouvelle, Pétion fit parvenir à Chancy dans son cachot ses propres pistolets de poche soigneusement camouflés dans une boite à manger.

Chancy se suicida dans la nuit même et l'émotion que causa la mort tragique du bel officier stupéfia Port-au-Prince et mit la ville au bord de l'émeute.

En effet, quand la rumeur courut que la vie de Pétion lui-même se trouvait menacée, de nombreux militaires accoururent devant sa demeure de la rue Américaine pour le protéger. Dessalines ne comprit que bien après les vrais raisons du refus qu'avait opposé Pétion à cette proposition de mariage, mais le mal politique était déjà devenu irréparable, et plus personne maintenant n'allait pouvoir sauver l'empereur de son tragique destin.

Le projet de mariage entre Pétion et de Célimène, cet épisode historique plein de rebondissements dramatiques, restera un des événements les plus connus et les plus abondamment commentés par l'homme de la rue en Haïti. Dans ce qui est devenu la célèbre affaire Célimène, Pétion tient le vilain rôle du Mulâtre hautain, bouffi d'arrogance, incapable de surmonter ses préjugés de classe afin d'épouser une jeune fille à la peau noire, encore fut-elle la fille du général Dessalines, I'empereur d'Haïti lui-même.
La vérité historique est évidemment très mal servie, mais quel élève du secondaire n'a pas entendu son professeur d'histoire gloser avec exaltation sur l'affaire Célimène, sur les malheurs de l'empereur qui, voulant cimenter l'union des Noirs et des Mulâtres, alla proposer sa fille à Pétion, ce Mulâtre sectaire, qui, rien que pour ne pas accueillir une princesse noire dans sa couche, envoya dans les parages de cette dernière un vil séducteur parmi les officiers de sa garde, lequel, après avoir su pénétrer dans l'intimité de la douce Célimène, gagna cette rosière ingénue à son affection et finit par l'engrosser.

L'affaire Célimène Dessaline est évoquée dans les familles Haïtiennes dès que des jeunes gens qui ne montrent pas tout à fait la même teinte d'épiderme s'amourachent avant de penser à la couleur de leur peau.
Le contexte permanent de compétition sociale des élites du pays fera inévitablement ressortir I'affaire Célimène à chaque occasion en Haïti où il sera question d'amourette, de liaison, de rupture d'accordailles, de fiançailles ou de mariage entre Noirs et Mulâtres.

L'affaire Célimène hante de manière troublante l'imaginaire national, ainsi, par exemple, au cours de la fastueuse réception qui suivit le manage de la fille de Francois Duvalier Nicole avec un Mulâtre originaire de Port-de-Paix, Luc-Albert Foucard, le président Duvalier, qui affichait pourtant des prétentions à l'érudition historique, n'oublia pas d'introduire dans son discours improvisé pour l'occasion, une courte, mais très explicite, très lourde et aussi très maladroite allusion à la fameuse affaire Célimène Dessaline.

Le président Francois Duvalier, qui visiblement ne se sentait plus d'aise, se délecta tellement de l'heureux événement, qu'il ne put se retenir de révéler sa grande satisfaction à la nation, en proclamant avec une surprenante et ridicule vanité qu'il venait de réussir enfin en Haïti un exploit historique que Jean-Jacques Dessalines lui-même n'avait pas pu accomplir, celui de marier sa fille à un Mulâtre! Pauvre Célimène !
Poste de Mario

Reposted By Lucien, June 4 2008, 10:19 PM

Topic: MASSACRE DES MULATRES EN HAITI

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Lucien, 4-Jun-08 7:30 pm
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Reposted By Lucien, 4-Jun-08 10:19 pm
Hi, I refute "Under the administrations of Petion, prosperity reappeared. ". My sources said under petion, Haiti fell... read more >
Rubens F. Titus, 5-Jun-08 1:14 am
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